Avant d'évoquer l'affiche de ce soir, le choc entre l'Allemagne et l'Argentine, on pourra remarquer que cette Coupe du monde sur le sol latino-américain aura tenu ses engagements. L'ambiance festive et la chaleur du Sud auront contaminé jusqu'aux millions de téléspectateurs européens qui, bon gré mal gré, se sont accommodés à une heure de dîner méridionale (espagnole ou italienne), à cause des horaires tardifs des matchs, et qui, forts d'avoir attendu la tombola des tirs au but jusqu'au milieu de la nuit, se seront résolus d'achever cette dernière dans un night club. Mais mesure-t-on seulement la vanité d'attendre, tel un métro ou un guichet de Sécu, un but qui ne viendra pas parce que l'étincelle synaptique dans la matière grise d'un Robben ou d'un David Luiz n'aura pas généré le peu d'énergie cinétique qui manquait pour pousser ce maudit ballon dans cette maudite cage? Réalise-t-on que, nous vieux Européens encroûtés dans nos conservatismes, nos réputations, c'est à force d'être timorés, de jeter au sabot la carte du risque pour celle de l'assurance que, au moins vrai pour la France, l'Angleterre, les Pays-Bas ou la Squadra Azzurra, nous avons pris la porte de sortie dans cette compétition? Pire, c'est en l'endroit le plus improbable, une tribune de stade, enivrés de bocks de bière, que la réalité se rappelle à nous: la Deutsche Qualität, affublée d'un costume de tortue, aura pris jusque là une bonne option sur le lièvre.
The Voice autour de la pelouse
Il ne faut pas oublier que cet événement était le grand rendez-vous de l'Amérique latine. En premier lieu pour cette Seleção, pressurisée comme un autocuiseur dans ses stades, devant son public, qui a tenu malgré les suspicions semées dans l'esprit des observateurs, et qui a fini par craquer dans les conditions que l'on connaît. C'est indéniablement une grande déception pour tout un peuple, on le sait, déjà malmené par les préparatifs, la ségrégation omniprésente, ce qui n'est pas de bonne augure pour apaiser les tensions. Mais grand rendez-vous de l'Amérique latine aussi pour les autres nations, mention spéciale au valeureux Costariciens, et bien sûr aux Argentins toujours en course... Le poussin Caliméro aurait pu s'enticher des sélections chilienne, colombienne ou uruguayenne qui ont fait forte impression, et pour qui in fine, tout fut "perdu fort l'honneur", pour paraphraser François Ier. C'est à leurs attaquants: Suárez, Sánchez, Rodríguez, que nous devons quelques unes des toutes meilleures actions de cette compétition. Quant au Grammy Award récompensant le meilleur hymne national chanté par les supporters, il revient de droit à l'un de ces pays d'Amérique du Sud, dont je ne dirai d'ailleurs jamais assez de bien des hymnes.
Une finale avec Dieu pour témoin
La Mannschaft face à la Albiceleste, Allemagne-Argentine, est donc l'affiche qui va s'ouvrir dans quelques instants et refermera définitivement ces chroniques footballistiques, cette Coupe du monde sur le sol brésilien. Une finale redondante, écho des finales de 1986 et 1990, des quarts de finale de 2006 et 2010, qui aura nécessairement un goût de revanche dans les deux camps. Il n'est pas si simple de se livrer à un pronostic fiable. Les deux gardiens de but sont redoutables, le match pourra être verrouillé. Du côté allemand, on table sur un réalisme et un collectif qui ont fait leurs preuves, une équipe en ascension depuis six ans, un Thomas Müller romanesque. Du côté argentin, on veut poursuivre une série de six victoires et croire en l'homme providentiel, Leo Messi, dont on voit bien le ménagement depuis les huitièmes de finale. Bien sûr, on prie le Ciel des deux côtés, mais si je doute que ce dernier soit d'un grand secours, que dire de Leurs Saintetés ses Émissaires, place Saint-Pierre à Rome! Imaginez la cité vaticane, où cohabitent le tant Bavarois pape émérite Benoît XVI et l'ascétique et Argentin pape François... Même au sein de la curie romaine, on s'apprête à exulter de la lumière qui s'engouffrera dans la lucarne!